23 décembre 2008

Liège, capitale européenne de la culture en 2015 ? Pourquoi je voterai « Non » lors de la consultation populaire du 22 février 2009.



Auto-interview

Hassan Bousetta

Conseiller communal

Groupe PS.





Peux-tu nous expliquer ce qui s’est récemment passé au Conseil communal concernant le dossier de candidature de Liège au titre de capitale culturelle européenne en 2015?


Ce lundi 22 décembre 2008, le Conseil communal de notre bonne cité a pris, à l’unanimité, la décision de consulter la population liégeoise sur l’opportunité d’introduire la candidature de la ville de Liège au titre de capitale européenne de la culture en 2015. C’est la deuxième fois que le Conseil était ainsi amené à s’exprimer sur cette question. Le 26 mai 2008, il s’était déjà exprimé une première fois. J’avais, à l’époque, voté contre l’introduction de la candidature de la ville, de même que j’avais refusé ensuite de signer l’appel à signature pour l’organisation d’une consultation populaire. Et pourtant depuis le début de cette campagne menée tambour battant par le collectif Liège 2015, j’ai suivi cette revendication avec une grande attention, pour ne pas dire avec une certaine empathie et même une sympathie certaine pour certains de ses protagonistes.


Jusqu’à présent, je me suis astreint à une certaine discrétion sur ce blog. Je me suis même abstenu de m’exprimer publiquement tout court sur ce dossier. Pourquoi ? Parce que si l’on veut réaliser un travail collectif structuré à l’intérieur de son groupe politique, il importe, me semble-t-il, de ne pas s’exprimer trop rapidement à titre personnel et de respecter le temps politique nécessaire à ce que les politologues appellent l’agrégation des préférences et qu’on pourrait traduire par la période nécessaire à la construction d’un consensus ou encore plus simplement l’élaboration d’une opinion majoritaire. Dans ce dossier, et compte tenu de sa forte politisation par l’opposition écolo-libérale, j’ai pensé qu’il valait mieux éviter de m’étaler sur tous ces supports que j’utilise abondamment et dont je raffole (Blog, site Internet, Facebook, etc) mais qui créent une fausse impression d’immédiateté de l’action politique. Si l’on veut être sérieux et efficace en la matière, mieux vaut ne pas s’épancher, étaler ses humeurs ou dévoiler ses états d’âme. Mais comme il appartient à présent à nos concitoyens de trancher la question par la voie de la démocratie directe, je pense qu’il est à présent de mon devoir d’exprimer avec le plus de clarté et de détails possibles les raisons qui m’amèneront à voter « Non » lors de la consultation populaire qui sera organisée par la ville de Liège le 22 février 2009.


Pourquoi est-ce que tu t’es opposé au mois de mai dernier à la demande d’introduction d’un dossier liégeois au titre de capitale européenne de la culture ?


A ce moment là, nous étions davantage face à une mobilisation identitaire qu’à un véritable projet culturel pensé et articulé. Le contexte euphorique dans lequel baignait notre région suite à la victoire du championnat de Belgique par le Standard le 21 avril 2008 n’y était pas complètement étranger. Bouli Lanners l’a d’ailleurs clairement exprimé dans une interview à La Libre le 16 mai dernier : « Le foot n’est pas ma tasse de thé, mais quelque chose revit à Liège avec le Standard. Je sens que les Liégeois ont besoin de cela. Liège en a ramassé plein la gueule pendant 25 ans. C’est normal que la roue tourne un peu. » C’est donc comme en écho au titre du Standard que certains acteurs culturels ont ressuscité la demande d’un refinancement de la culture qu’ils avaient déjà eu l’occasion de mettre sur la table à l’occasion de la campagne électorale communale de 2006. Le vendredi 2 mai 2008, les initiateurs du collectif Liège 2015 publient sur Internet un « Appel public pour que Liège soit capitale européenne de la culture en 2015 ». Ces artistes et intellectuels « en devenir » comme les qualifiera le bourgmestre avec un brin d’amertume perçoivent l’importance, bien légitime au demeurant, de développer une idée forte au service de la culture à Liège. Très rapidement, grâce à une mobilisation bien orchestrée sur Internet, ils rassemblent 7 000 signatures à la veille du Conseil communal du 26 mai 2008, puis 9 000 par la suite. Et c’est cet élan qui dès le lendemain du vote négatif du Conseil communal finira par se transformer en demande de consultation populaire.


Personnellement, mon analyse était parfaitement convergente avec celle de l’échevin de la culture Jean-Pierre Hupkens et reposait sur quatre motivations essentielles. Primo, il y avait l’absence d’un projet culturel digne de ce nom dans le chef des pétitionnaires. Et cela reste d’ailleurs vrai à ce jour. Si Mons à choisi de travailler sur la rencontre entre la technologie et la culture, nous sommes, aujourd’hui encore, bien en peine de dire sur quoi nous pourrions rassembler une plateforme d’acteurs autour d’un projet cohérent. Et ce n’est pas faute d’y consacrer énormément de temps. Depuis qu’il est en place, l’échevin de la culture a pris de nombreuses initiatives, y compris internationales, pour redéfinir un concept culturel fort pour la ville. Bien entendu, cela commande inévitablement un temps de mise en œuvre. Secundo, nous étions face à l’absence d’un porteur de projet. Lors d’une conférence de presse dont les extraits sonores sont encore disponibles en ligne (cliquez ici) , le collectif Liège 2015 déclarait assez étonnamment que son rôle consistait à lancer le débat sans qu’il lui incombe d’organiser d’aucune manière que ce soit le service après-vente, et notamment le montage du dossier! C’est là un argument qui m’a beaucoup surpris et qui révèle une certaine légèreté dans la démarche. Mon troisième argument concernait la rareté des budgets disponibles. Considérant qu’il faut au minimum rassembler une centaine de millions d’Euros pour organiser un événement digne de ce nom, et considérant nos moyens actuellement disponibles au budget communal, il me paraissait aventureux de s’avancer vers un horizon fait d’autant d’inconnues. Alors bien entendu, on peut escompter des moyens en provenance de la Communauté française, de la Région Wallonne et de l’Europe. Cela n’empêche que la démarche menacera directement la mise en œuvre de notre politique culturelle pour toute la période 2009-2014, comme l’a rappelé le Ministre Jean-Claude Marcourt lors du débat au Conseil du 26 mai dernier. Quatrièmement, et finalement, le projet de capitale culturelle européenne à Liège est, et restera confronté, à une carence au niveau des relais mobilisables tant au niveau du monde des décideurs politiques, que des administrations publiques ou même des grandes institutions culturelles de la ville qui, majoritairement, ne se sont pas prononcées en faveur de Liège 2015.


Ton vote positif d’aujourd’hui est-il un revirement par rapport à ton vote du mois de mai dernier ?


Absolument pas. Selon moi, on ne peut en aucune manière reprocher aux conseillers de la majorité d’avoir changé de position. Ils n’ont tout simplement pas changé de position. On ne peut procéder à une telle affirmation sans sacrifier à un minimum d’honnêteté intellectuelle. En mai dernier, nous étions face à une pétition de citoyens sur Internet. Avec tout le respect qu’on peut avoir pour la cyber-militance, une pétition online ne peut pas être de nature à suspendre le travail délibératif des représentants élus. Ce que j’ai lu à ce moment là sur les blogs au sujet de la démocratie bafouée est de l’ordre de l’exagération et me fait penser que certains de nos concitoyens actifs ont une définition des procédures démocratiques particulièrement dépouillée. Jamais, je n’accepterai qu’une pétition sur Internet puisse servir d’argument définitif pour contester une délibération d’un conseil librement et démocratiquement élu. Je considère évidemment ce type de prises de positions comme des éléments à prendre en compte dans un dossier global. Mais, je sais aussi qu’on pourrait rassembler davantage de signatures encore via Internet pour des projets nettement moins bien intentionnés. Je mesure aussi très bien le fait que stimuler des passions identitaires via des pétitions ne peut se faire sans un minimum de vigilance démocratique. Dans le cas de la consultation populaire, par contre, nous sommes dans un autre registre. Une demande de consultation populaire introduite dans les formes prescrites est un droit du citoyen, encadré par des normes et une procédure précise. Dès lors qu’elle est activée, elle suspend, sur la question posée, le processus démocratique représentatif. Et la conséquence logique que le collège de la ville aurait peut-être dû mieux anticiper est qu’il n’existe aucune autre solution possible que le respect de la procédure et de l’initiative citoyenne. Nulle tergiversation, nul compromis possibles, quand bien même les initiateurs de la pétition auraient eux-mêmes formulés cette demande de compromis. Faut-il vraiment s’étonner que le projet d’accord autour d’une fondation des arts émergents sur le site de la Dentisterie à Bavière se soit soldé par un plomb dans la gencive autant que dans l’aile ?


Pourquoi voteras-tu « Non » lors de la consultation populaire ?


Je voterai « Non » pour les mêmes raisons que celles qui m’ont amené à voter « Non » lors du Conseil communal du 26 mai dernier. Vous remarquerez qu’à aucun moment n’interviennent dans mon raisonnement des considérations concernant des accords pris à d’autres niveaux de pouvoir ou l’influence d’une chefferie quelconque. Soyons par ailleurs de bon compte sur toute la ligne. Aucune des quatre motivations que j’ai exposées plus haut ne constitue une cause rédhibitoire à l’introduction d’un dossier de pré-candidature. Après tout, lorsque la motivation est présente, et elle doit l’être à chaque instant dans une ville en plein redressement comme la nôtre, ces obstacles peuvent être surmontés. Comment d’ailleurs ne pas se laisser séduire par l’idée que sa ville puisse être dans un futur proche capitale culturelle de l’Europe ? Comment ne pas céder à l’enthousiasme que suscite une telle perspective ? Comment ne pas voir que la culture, comme le tourisme, sont appelés à jouer un rôle déterminant dans le redressement économique de notre région ? Comment ne pas voir qu’à Liège, nous pourrions faire de cette capitale européenne de la culture autre chose, et bien plus, qu’une capitale des cultures européennes ? Comment ne pas tirer un brin de fierté de cet élan populaire pour la culture que le collectif Liège 2015 a réussi à créer ? Comment ne pas voir que les artistes mobilisés au sein de ce collectif n’expriment rien qui soit de l’ordre de la politique partisane mais seulement et uniquement un cri d’amour pour leur ville ? Tout cela m’apparait de manière limpide.


Mais si nous voulons éviter de préparer la candidature de Malines 2015 ou une gueule de bois le 2 juin 2009, lendemain de la réunion du comité de présélection, nous devons assumer de soutenir une collaboration active avec la candidature de Mons 2015 au nom des arguments que j’ai évoqués plus haut mais aussi de cette solidarité wallonne dont nous avons encore récemment été les grands bénéficiaires sur d’autres matières. Mons décompte les heures (voir ici). Elle se veut cigale et prête à chanter du printemps à l’automne 2015. Soyons Fourmi durant la période intermédiaire. Battons-nous pour obtenir une croissance linéaire des budgets consacrés à la culture à Liège d’ici à 2015 afin de nous illustrer dans des initiatives parallèles mais pérennes. Travaillons à ce scénario Fourmi 2015 car nous partons définitivement trop tard dans la course et nous risquons de nous heurter à un mur, comme le remarque avec beaucoup de lucidité l’un des initiateurs de la pétition (voir ici).Que ce soit au niveau de la consultation populaire au cas où elle n’obtiendrait pas les 10% requis pour le dépouillement ou après avoir déposé notre candidature, évitons de nous aventurer vers cette situation délicate où notre tableau de bord nous indiquerait de manière prématurée : LIEGE 2015, GAME OVER.