Djamel Boussetta n’est ni mon frère, ni mon cousin, pas même lointain. Pourtant, il aurait pu l’être. Fils d’immigrants et issu d’un quartier populaire de la banlieue parisienne, il a le parcours classique d’un jeune de cité jusqu’au jour où il décide de s’engager dans les forces de l’ordre. Très jeune, il est formé à l’école nationale de police avant de rapidement devenir compagnon républicain de sécurité, CRS. En septembre 2006, il décide de se confier à des journalistes au sujet de dérives qu’il observe dans sa pratique professionnelle et qu’il dénonce comme relevant de pratiques policières abusives. Son interview publiée par Le Point passe mal et lui vaudra une révocation pour non respect du devoir de réserve. Dans « Jamel le CRS. Révélations sur la police de Sarkozy » qu’il publie aux Editions Duboiris (2007), Jamel revient sur ces événements et poursuis sa mise en cause des « méthodes » de certains agents de police dans un registre, disons-le, pamphlétaire.
Je ne sais trop quel crédit accordé aux éléments de fait et d’appréciation avancés par mon homonyme dans son ouvrage et ses interventions dans la presse. A vrai dire, que ses déclarations soient fiables ou non m’importe relativement peu par rapport à ce que j’ai envie de dire dans ce billet. Quand bien même tout ceci ne serait qu’un montage, il n’en reste pas moins vrai qu’en France, comme en Belgique, règne entre les jeunes et la police une sorte de climat de malaise, souvent de méfiance et parfois aussi de défi. Qu’il dise vrai ou non, l’audience que recueille son témoignage n’est avant tout qu’une manifestation de cela. Ce qu’il nous révèle, ce dont il est le révélateur, est pour moi bien plus préoccupant que ce qu’il révèle au sens propre.
En Belgique, un certain nombre de scientifiques (principalement des sociologues et criminologues) se sont penchés sur cette réalité (1). A la demande des services de la politique scientifique fédérale, une équipe interuniversitaire de recherche flamande est d’ailleurs en plein travail d’élaboration d’une enquête sur le « community policing » au cours de laquelle on cherche notamment à établir comment police et allochtones se perçoivent mutuellement. (Lire la présentation du projet ici). Il ne s’agit pas de laisser entendre que la police serait coupable indistinctement de traiter différemment les personnes d’origine étrangère mais le fait est qu’une proportion importante de jeunes qui vivent ce genres de difficultés sont d’origine étrangère.
Si je m’étends ici sur ce sujet, ce n’est pas uniquement par intérêt académique. C’est parce que, pas plus tard que cet été, j’ai été interpellé dans ma commune par une situation extrêmement délicate : une tentative d’interpellation de la police qui se solde par la mort d’un jeune. Les circonstances du drame ont été détaillées dans la presse (2). Inutile d’y revenir par le menu, d’autant que les versions du drame divergent et qu’il appartiendra donc à l’enquête en cours de déterminer l’exact déroulement des faits et les responsabilités éventuelles.
Le soir même de la découverte du corps, je me suis rendu auprès de la famille pour leur faire part de mes condoléances. J’ai rencontré une famille éplorée, on l’imagine aisément, mais qui manifestait aussi beaucoup de détermination. Très vite, les jeunes frères et sœurs de la victime se sont mobilisés pour chercher à comprendre comment au départ d’un soupçon d’arrachage de sac, très vite dissipé depuis lors, on en est arrivé à cette issue extrême. Ils ont rassemblé autour d’eux un comité de soutien et veulent qu’on n'oublie pas. Ils appellent d’ailleurs à manifester ce samedi 1er septembre dans les rues de Liège pour honorer la mémoire de leur frère, dire son innocence et pointer du doigt la méthode avec laquelle il a été interpellé (3).
Sortant d’une année 2006-2007 où je me suis présenté à deux reprises devant l’électeur pour défendre le projet politique d’une société de confiance, tournée vers la jeunesse, je me sens fortement interpellé par cette affaire. Je ne crois pas a priori qu’on puisse réduire le drame de la disparition de Khalid Cherai à un simple accident. Je crains par contre que nous ne soyons ici face à un échec collectif au principe duquel résident la méfiance et la peur. L’avocat de la famille a parlé d’un drame absurde qui aurait du être évité. C’est vrai qu’à réfléchir au scénario à la manière d’un film d’Alain Resnais et que l’on retranche ces deux ingrédients que sont la méfiance et la peur, on se dit que rien n’aurait pu empêcher un happy end. Ce n’est malheureusement pas ce qui s’est passé et c’est pour que cela soit évité à tout prix à l’avenir que je manifesterai ce samedi aux côtés de la famille.
(1) Je ne peux à ce sujet que conseiller la lecture du remarquable ouvrage d’Andrea Rea « Jeunes immigrés dans la cité » paru aux Editions Labor en 2001.
(2) Lire l'article de la DH en cliquant ici
(3) Lire la dépêche Belga en cliquant ici
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