J'observe Liège depuis de très longues années. Et la vie universitaire qui m'a amené à voyager aux quatres coins de l'Europe n'a fait qu'aiguiser le regard que je porte sur ma ville. Un regard lucide, à la fois optimiste sur le potentiel extraordinaire de sa population et attristé par les ravages liés à la lente mort des secteurs traditionnels de l'économie liégeoise (le charbon, la sidérurgie et les métaux). Les années que j'ai passées à l'université d'Utrecht aux Pays-Bas, à Bristol en Angleterre ou à Bruxelles, ainsi que les recherches que j'ai menées dans des villes comme Lille ou Anvers, m'ont aussi permis d'ouvrir les yeux sur ce qui marche et ce qui ne marche pas ailleurs. Et pour un candidat aux élections communales, pouvoir faire la bonne analyse de la situation, ça compte.
Pour formuler des recommandations pertinentes, il faut donc porter un constat valable. Inutile de reprendre l'exercice à zéro. De nombreux experts et de nombreux chercheur-e-s de l'Université de Liège s'y sont déjà attachés. Je retiens particulièrement les travaux en géographie économique du Prof Bernadette Mérenne Schoumaker. Le constat qu'elle avance est relativement clair: la commune-ville de Liège est mal articulée à son agglomération. Le territoire de la ville représente 18% de celui de l'agglomération pour 52% à Anvers et 75% à Gand. La population de la ville représente 38% de la population de l'agglomération pour 67% à Anvers et 88% à Gand. Dans le même temps, c'est la ville de Liège qui supporte le poids des grandes infrastructures et des services liés à l'économie, l'environnement, la santé, la mobilité, la culture, etc.
Alors biensûr, dans leur analyse des défis urbains que Liège doit résoudre, les observateurs ne manquent pas de pointer du doigt la fusion des communes de 1977. Mais on oublie trop souvent de rappeler que les réformes institutionnelles, particulièrement celles de 1988 et 1993, ont bouleversé la donne institutionnelle. Aujourd'hui, le développement de Liège passe aussi par sa capacité à être entendue à Namur. Et la politique menée à l'échellon de la Région wallonne n'est pas toujours suffisamment armée pour traiter de la problématique spécifique du développement des grandes villes. Après tout, seules trois communes wallonnes (Charleroi, Liège et Namur) comptabilisent plus de 100.000 habitants. Inévitablement, celà engendre des perspectives différentes qui ne sont pas uniquement liées à des clivages de partis.
On prête à Jean Gandois, ancien patron de Cockerill Sambre, d'avoir un jour glissé à Edouard Close, ancien bourgmestre de Liège: "Si tu veux relancer ta ville, tu dois d'abord achever le chantier interminable de la Place Saint Lambert". Eh bien maintenant, c'est fait ! Cette page au cours de laquelle les Liégeois avaient finit par se gausser des 'travaux forcés à perpétuité' infligés à la place est maintenant tournée.
Et s'il y a bien aujourd'hui un chantier d'avenir à Liège, c'est celui de la communauté urbaine.
Elle s'impose pour rendre le développement de la ville plus rationnel, pour faire des économies d'échelle, pour faire face aux défis de l'internationalisation, pour mieux se positionner par rapport aux financements européens, etc. Bref pour mieux planifier et prendre en main l'avenir. C'est ce qu'on fait avec un certain succès les Lillois en créant la Communauté Urbaine de Lille Métropole, même si c'est dans un contexte institutionnel différent du nôtre.
Pour avancer dans cette voie, il manque à Liège un instrument politique, un niveau de pouvoir entre la commune, d'une part, la Province et la Région, d'autre part. Ce niveau supra-communal n'est pas totalement absent de notre législation mais n'a pratiquement jamais existé sauf timidement à Bruxelles dans les années '70. Une loi de 1971 prévoit en effet la possibilité de créer des agglomérations et fédérations de communes. Mais ce cadre n'est plus adapté aux réalités d'aujourd'hui (pour une analyse plus complète, voir ici ). Dès lors, une modernisation de la législation sur l'association de communes est urgente !
Ce débat sur la nécessité d'une communauté urbaine, des socialistes liégeois, au premier rang desquels Willy Demeyer, le portent. Ce n'est pas pour rien. Il est essentiel pour l'avenir économique et social de Liège et de sa région.
Hassan Bousetta
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